Yves Chouraqui - TRIBUTE TO GAINSBOURG

Yves Chouraqui – TRIBUTE TO GAINSBOURG

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On ne prête que rarement attention à ce que l’on s’est habitué à voir, à ces choses que l’ on croise mais qu’on ne regarde pas . Yves Chouraqui en a lui-même fait l’expérience en passant presque tous les jours devant la maison du 5bis Rue Verneuil, sans s’attarder sur ce que son pan de mur pouvait raconter. Puis un jour, le photographe eut un déclic. Une sorte d’instinct qui le pousse à s’approcher de plus près et à observer… Dès lors, il se mit à saisir les détails de cette immense fresque anonyme afin que « l’instant magique volé au temps » fige à jamais l’image d’un témoignage, celui de l’amour d’un public pour un artiste.

Gainsbourg vécu de 1969 à 1991 à la maison du 5bis Rue Verneuil. A sa mort, des centaines d’admirateur s endeuillés sont venus y inscrire leurs émotions au feutre, crayon, bombe, peinture, pochoirs et stylet. Le mur exhibe sans retenue l’expression des sentiments en un lyrisme coloré dénué de solennité. Le photographe apprécie l’hommage de ces anonymes, simple et sincère, reprenant avec un humour teinté de nostalgie les titres et paroles de chansons mythiques, telles Le poinçonneur des lilas , La Javanaise , et Aux armes et caetera . Les graphes se superposent, les écritures se lisent un temps et disparaissent ensuite sous les autres en un éternel recommencement. Yves Chouraqui saisit ces instants, sa photographie les rend immuables.

Les œuvres exposées sont représentatives à la fois du travail d’Yves et de l’esprit des graffitis du mur. La porte d’entrée de la maison invite le passant à s’introduire dans l’ intimité des sentiments, Le Poing sonneur des Lilas est un habile jeu de mots comme adorait en faire Gainsbourg, Toi là je t’aime reflète le dévouement du photographe, allant jusqu’à s’allonger sur la route pour prendre le cliché. Des Gitanes dansent près de volutes en contraste avec les traits graphiques qui les entourent. Un graphe interpelle l’ar tiste, une silhouette de profil, clope au bec, semble sortir d’une peinture de Chagall , le photographe le rebaptise en son hommage.

Yves Chouraqui insiste sur l’importance du regard dans sa démarche artistique. Il est en effet nécessaire de l’orienter différemment afin de capter les détails qui se cachent aux évidences et d’en révéler toute la beauté. Le regard fascine le photographe en ce qu’il n’est jamais le même, variant au gré des humeurs et au fil du temps. Sa photographie révèle l’instantané d’une émotion, le saisissement furtif d’un moment que l’artiste préserve de sa vue jusqu’à ce que son regard mûrisse et évolue. Ainsi les clichés de l’ancienne maison de Gainsbourg s’étendent sur une longue période, selon qu’ils sont pris antérieurement ou non à la restauration de ses murs re peints de blanc. Yves Chouraqui n’en p récise d’ailleurs ni les dates ni les endroits exacts, souhaitant libérer l’imagination de tout e contrainte spatio- temporelle.

Serena Bonomi-Karkour

Février 2015

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