VILLES IMAGINAIRES avec Juan Luis Bunuel

Une occasion de rencontrer et de faire se rencontrer trois artistes atypiques et indépendants.

Jaime Tafoya, grand gaillard impressionnant qui est lui même un continent, partagé entre Paris, où il est installé depuis 1989, et le Mexique, nous entraine dans un monde d’espace et d’urbanisation ouverte. Peut-on être mexicain et aimer la France encore si policée et si douce avant les cataclysmes climatiques ? L bas tout est plus grand, simplifié, stratifié en étage. Il y a une vision d’avenir dans ce peuple et ce terroir excessif, monde de contradiction, d’espace et d’urbanisation, monde de lumière écrasante et de pollution, monde de pauvreté et de fierté où tout est possible. L bas la misère est intime et reposée, tandis que l’opulence est violente ; il est autant de cultures que de niveaux de métissage, tout se télescope et perdure.

Face ce monde coloré, où le primitif côtoie l’anticipation, nous présentons les grandes gravures architecturales de Laurent de Troïl comme un rêve de civilisation oublié.

Rêve de perfection et de beauté grandiose, d’un monde éternel dans sa démesure calculée ! La rigueur du trait, les jeux d’ombres et de lumières, le noir et le blanc des murailles, les cieux gris qui roulent dans toutes les nuances de clartés, la fois protecteurs et menaçants, les reflets calmes et les perspectives infinies, tout participe au calme souverain qui pour les uns sera reposant et pour les autres angoissant. On imagine la somme de travail de précision qu’il aura fallu pour réaliser de tels ensembles, on imagine l’artisan besogneux parmi ce petit peuple qui s’active, fourmi sous ces immenses plafonds. Pour Laurent de Troïl, qui bâtit inlassablement depuis des années sa cité imaginaire, ce monde magnifique est le témoignage utopique de la capacité de l’homme construire un univers hors de tout calcul mesquin et en adéquation totale avec la grandeur de la nature.

Au centre de l’exposition vient le petit monde de Juan Luis Buñuel. Pièces de bronze uniques, la cire perdue, mobiles ludiques en fil de cuivre…on s’amuse sérieusement dans la ville imaginaire car nous sommes dans un lieu de vie. Juan Luis Buñuel est réalisateur et scénariste de cinéma, sculpteur modeleur, bricoleur en tout genre. Il a hérité de son père un esprit antibourgeois et la liberté surréaliste, pleine de vitalité et d’humour chaleureux. Calder, Miro…ne cherchez pas les influences, l’artiste a tellement rencontré, voyagé (revoici le Mexique) qu’il est imprégné de son temps, de ses rencontres et de ses lieux. Colosse l’œil amusé, parfois coquin et le plus souvent joueur, il s’intéresse aux détails en mouvement qui expriment la vie. Avec lui, dans une loufoque simplicité, la mort peut attendre que nous ayons trinqué sur un air de guitare et que le petit jouet mécanique ait fini sa course.