Verre toi
- Du 18/05/2017 au 08/07/2017
- Localisation : Association Bourguignonne Culturelle
- Site de l'événement
Le futur c’est maintenant !
Annabelle Poccard préfèrerait que ce soit pour le meilleur plutôt que pour le pire. À cette fin, elle se retrousse les manches. Son travail comme celui de nombreux designers aujourd’hui s’articule autour de cette idée que la société moderne a trop produit d’inutile à des fins financières : il est temps de redonner de l’air à une planète aussi polluée qu’encombrée.
Recycler, renouveler les usages d’objets obsolètes en les transformant, voilà la réponse qu’elle fait à la surproduction industrielle, et avec elle, tant d’autres aujourd’hui.
Que ce soit les designers hollandais de Droog Design – avec leurs sièges composés de couches de tissus récupérés ou encore avec ce meuble fait de vieux tiroirs inutiles car orphelins, qui ceinturés ensemble constituent un objet redonnant vie aux déchets d’un monde en sursis et dont l’aspect ne manque pas de suggérer le grotesque de la surproduction – ou les suisses de 5.5 Designers qui conçoivent dans le même
élan des pansements monochrome très voyants pour le mobilier voué à la benne, lui rendant utilité mais aussi une grâce supplémentaire dans cet assemblage aux coutures volontairement visibles. (Réanim — 5.5 Designers — 2013).
Annabelle les connaît bien, elle dont le travail s’est tour à tour penché sur le réemploi des boîtes de conserve, puis des packagings alimentaires ou encore des chaises passées de mode. Chez elle aussi cette conscience ne prend pas corps sans un certain goût du jeu. Car il ne s’agit pas que de condamner sentencieusement, il s’agit de vivre ! Vivre et jouir du monde de la meilleure des façons possible.
Ainsi aujourd’hui, quoi de plus naturel pour une native de Bourgogne que de porter son attention sur le verre à vin, objet qui tient à la fois en lui les promesses de l’ivresse et du partage et dont la simplicité formelle évoque autant la sensualité que la quintessence à laquelle un designer ne peut être indifférent. En regardant ces objets fragiles relégués à la poubelle au premier choc, elle voit poindre l’idée de leur résurrection dans leur assemblage.
C’est ainsi qu’en 2014, lors de l’exposition collective ‘Double fond’ aux Ateliers Vortex, des verres aux pieds cassés sont réunis et reprennent vie. Utilisant les récipients privés de leurs socles, elle compose un objet nouveau où le haut et le bas sont interchangeables et doublement utiles. Deux ballons sont associés par un tube d’acier ou de cuivre, transformant le ballon en pied et le pied en ballon. (Réversus — 2014)
C’est toujours cette recherche autour d’un moment de partage si cher à notre culture, qui voit aujourd’hui son incarnation dans la pièce intitulée ‘Colchiques’. Cette fois le jeu des formes inspirées de la nature se met au service de la convivialité d’une réception.
Annabelle Poccard pense au travail d’Ettore Sottsass pour son goût des volumes simples et des matières familières, la terre, la pierre, le verre… Hella Jongerius n’est pas loin, dans ses assemblages de couleurs brutes et sobres où rien n’est caché, à l’opposé de l’objet industriel.
Avec ‘Colchiques’, Annabelle s’invite aux réjouissances des vernissages et des cocktails à travers cette pièce unique, un dispositif créé pour l’occasion, où l’on cueille un verre au bout d’une tige de cuivre, comme on cueillerait une fleur. (On notera d’ailleurs cette invitation trop rare habituellement, à palper et à faire usage de la pièce, à rebours des conventions d’exposition contemporaines.)
Inspiré par ses balades en forêt autour de la demeure de sa grand-mère en Saône-Et-Loire, cet hommage place le recyclage au second plan pour prendre un chemin plus poétique. Elle propose un travail d’avantage axé autour de la matière et de la forme que de la pure fonction, mêlant céramique, cuivre et verre – parfois maladroitement, car après tout, c’est à une expérimentation joyeuse que l’on est convié. La perfection passe après la curiosité créative, curiosité de produire des objets nouveaux, parfois bancals, toujours ludiques, dans ce souci de se réapproprier l’espace de création hors des règles du genre, en définissant de nouvelles règles du jeu.
Lorsque la fonction passe en arrière plan et que la forme prend l’ascendant, le travail artistique n’est peut-être pas loin. Celui de l’artisan non-plus, dont l’atelier recèle de prototypes destinés à habiter nos espaces de vie sans toujours y parvenir…
Qu’importe, si « ce n’est pas la destination mais le voyage qui compte » ? Jean-Hugues André — Mai 2017