Thierry Dagorn – Exposition “Chemin Faisant” Peintures et oeuvres sur papier
- Du 15/01/2016 au 14/02/2016
- Localisation : Next Door
Depuis ses études aux Beaux-arts de Versailles, Thierry Dagorn, né en 1964 Concarneau, s’est toujours nourri de la peinture
Tour tour assistant d’un artiste américain de renommée internationale, éditeur, collectionneur de livres d’art et d’artistes, régisseur de galeries et de collections, il n’a jamais cessé de développer son œuvre personnelle. Quelques expositions confidentielles ont jalonné son parcours. Grâce une amitié forte et sincère, il est généreusement invité pour une résidence artistique de quatre mois dans une clairière au milieu de la forêt non loin de Paris. Aujourd’hui, suite cette résidence en immersion solitaire, Thierry Dagorn présente des ensembles de peintures et d’œuvres sur papier. Inspiré par la nature et cet isolement, il y a peint des séries abstraites et colorées fondées la fois sur l’observation et ses impressions. Une promenade pas comme les autres a orienté ses travaux. Par une journée de printemps de grande pluie, 20 km de la première gare, il décide de rentrer Paris. Il choisit d’emprunter le chemin le plus court, travers les bois. Ce breton dans l’âme découvre alors son chemin. Chemin faisant, il se découvre. L il marche sous la pluie, seul. Il entend les chiens aboyer, il avance, trempé, se perd et finalement trouve la route, la gare. Premier retour la « civilisation ». Il repart le lendemain. Il a trouvé. Il sait ce qui l’anime ce moment-l , au mitan de sa vie. Toute cette eau, cette marche en forêt, il tient la matrice de son processus créatif. Cette expérience au « bout de soi », l’observation de la nature, un nouveau rythme de vie qui en découle, donnent naissance des œuvres inspirées et sensibles, délicates et puissantes. Habité par la vanité et la cruauté de notre monde contemporain fondé sur l’économie, la perte du sens de la vie et la virtualité dévorante, Thierry Dagorn mène ses recherches dans une communion avec les éléments fondateurs de sa propre vie : la terre, la mer, l’eau, le ciel, la nuit, les astres, la couleur… Ses peintures sur toile dont la gamme colorée rappelle son environnement du moment: des verts, des bruns, des ocres, des bleus, des noirs, sont travaillées en coulures guidées, imperceptiblement perturbées par la matière granuleuse de la toile préparée dessein. Elles évoquent l’impressionnisme tendant l’abstraction de Monet ou les cieux de Turner. Dans ces œuvres, il convoque ses propres réminiscences de l’expressionisme abstrait américain de l’après-guerre. Les citations entremêlées de certaines œuvres de Mark Tobey, Morris Louis, Jackson Pollock ou Larry Poons font résonner l’indicible d’alors et entrent en écho avec notre monde chaotique. Dans certaines toiles, des aiguilles de sapin, récoltées années après années, introduisent une rupture de la linéarité plus perceptible. Ces aiguilles viennent structurer et soutenir la composition paysagée. Elles constituent (sculptent) la semence d’une genèse cosmogonique. La trace, l’empreinte, l’un des leitmotivsde Thierry Dagorn laisse place la fluidité, la confiance en soi, l’assurance du regard et du geste.La série des grandes peintures sur papier, travaillée « scotchées »aux murs, s’inspire notamment de la verticalité des arbres qui l’entourent. Fidèle sa technique de guidage de la peinture, il y représente la nature vue travers le prisme de la société de l’hyperconsommation contemporaine. Abstraite sous forme de codes barre, il met ainsi en exergue sa marchandisation insidieuse. Il assimile cette vision de la nature, tantôt diurne aux couleurs solaires (jaunes, orange), tantôt nocturne (bleu foncé sur fond noir), des radiographies opaques de nos propres égarements. Ces œuvres portent en elles l’origine d’une nouvelle série fondée sur des paréidolies. Pour cette série des Paréidolies, Thierry Dagorn a procédé de différentes manières. Il a mentalement structuré certaines d’entre elles au cours du processus de production des peintures sur papier. D’autres ont jailli du délicat décollage des larges et longues bandes de ruban adhésif, sources de la coulure sur le papier portant en elles la marque de la brosse dégoulinante de peinture. Puis il les a alignées sur un mur pour mieux les observer. Alors, armé d’un cutter, il a découpé les paysages qu’il y voyait, il les a isolés. Puis il les a composées une une en choisissant recto ou verso aux couleurs différentes et en procédant des retournements et des inversions. De fait, il a créé certains de ses paysages, après les avoir peints, dans une inversion du processus usuel de la peinture. L’effet est saisissant. Des petites merveilles délicates ont éclos par la grâce du simple regard de l’artiste. Quelle stupéfaction de voir apparaître un lac gelé de Gallen-Kalela, un champ de blé en bord de route au couchant ou un paysage chinois l’encre noire! Certaines de ces paréidolies ont conservé une ou des coulures barrant le motif central. On est alors la fenêtre, observant une goutte d’eau qui descend le long de la vitre. Réminiscence des après-midi d’automne de l’enfance tandis qu’enfermé l’on pense, rêve, s’ennuie, … Nature désirée inaccessible. Lors de cette résidence, Thierry Dagorn s’est abstrait de ses habitudes de vie et, par analogie, a produit des œuvres aux frontières de l’abstraction-impression. Ainsi, dans une forme d’engagement toute personnelle, face ses propres sentiments sur l’époque, il nous propose une rectitude, une harmonie, un équilibre entre les forces qui nous assaillent et celles de la nature. Des lignes, une spiritualité … Delphine Perru