On promit le paradis sept millions de sacs de charbon (René Depestre). L’IUFM de Chaumont accueillera du 21 mars au 31 mai le travail de l’artiste rémois BMZgd. A l’inverse des artistes qui prirent leurs sources et motifs dans les arts africains pour inventer l’art moderne, BMZgd travaille l’introduction des outils et objets de l’art contemporain dans l’espace symbolique de la ” Guinée ” d’avant la grande déportation. BMZgd a pris un jour le chemin du Bénin afin d’y rencontrer les traces contemporaines du Vodou. Ainsi la pièce centrale de son installation n’est pas un fac-similé visée ethnologique. Encore moins la trace militante d’une quelconque révolte de pacotille. C’est, dans la plus claire des affirmations, une sculpture contemporaine qui s’origine dans une relecture de plusieurs mouvements modernes en art. Sa singularité et l’ambigüité conséquente tiennent au fait qu’elle est volontairement prise en étau entre deux blocs, d’un côté “les fulgurances” ou les produits dérivés et parfois frelatés du bel art, de l’autre l’architecture de survie et les singularités cultuelles et culturelles liées la nation vodou. Sa sculpture-maison comme, plus loin, ses cages poules, sont des lieux de passage entre deux mondes de l’intelligence. Celui du réel que nous partageons et celui de mythes constitutifs de cultures puissantes mais que nous ne partageons pas nécessairement ou, plus trivialement, que nous ne savons plus reconnaitre. Le travail de BMZgd est donc tout sauf une provocation. S’il dérange, c’est au sens qu’il met du désordre dans le placard bourgeois de nos pensées. Ainsi une “étagère” est-elle allusion ironique nos intérieurs replets (bibelots chargés d’affects divers et parfois forts laids, bar débordant de bouteilles et marque de savoir-bien-vivre et de bonne urbanité) et, en même temps, autel consacré au culte de nos souvenirs heureux ou non. BMZgd se joue de nos ambivalences. Ainsi, le grillage qui enveloppe le meuble de salon n’est pas l pour dissuader le voleur ou pointer quelque paranoïa. Le grillage est signe ! Signe qui, ailleurs, dans l’autre culture, en Haïti ou au Bénin, affirme un lieu de culte et nous invite, certes avec violence, mais avec tant de pertinence, prendre la mesure de nos insolences de “pas-des-sauvages-nous”(1) tout autant que celle de nos vraies blessures d’amour. Dans la cage poule, Ogou-Ferraille ouvre un œil. Plus bas, débordant un peu sur le carrelage institutionnel, c’est Papa-Legba qui veille sur notre passage. A portée de regard, pans de murs décolorés et tapis rouge matérialisent temporairement et symboliquement ce territoire de passage et, par extension, partage l’établissement qui reçoit BMZgd, entre un univers parfois technocratique mais rassurant et celui, plus inquiétant, plus risqué mais si fécond, de la création contemporaine. Notons par ailleurs que la quasi totalité de l’exposition est bâtie avec des matériaux de récupération. Le vernissage est prévu pour le 12 avril. Ce jour-l , une lecture des épiphanies des dieux du Vodou sera proposée en hommage René Depestre. Vincent Cordebard Chaumont, 21 mars 2011 (1) chez les charbonniers on naît pas-des-sauvages. C’est bien connu depuis des siècles… (faites le savoir)

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