Richard Monnier
- Du 12/11/2012 au 24/11/2012
- Localisation : Galerie du Tableau
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Futurs Antérieurs
Sensation “Il aura fallu 24 heures au tsunami pour atteindre les côtes de l’Inde”. Cette phrase placée au milieu d’une carte géographique qui illustrait un article du “Monde des Documents”, a retenu mon attention parce qu’elle se distinguait de toutes les autres informations sensées apporter un point de vue strictement objectif comme le voudrait la réputation de ce journal. En n’écrivant pas simplement “Il a fallu 24 heures au tsunami pour atteindre les côtes de l’Inde”, l’auteur a laissé passer une appréciation personnelle concernant un événement qui “ne peut laisser insensible” comme on dit couramment. En employant le futur antérieur, il nous fait ressentir une sorte de fascination devant cette catastrophe pour son caractère la fois exceptionnellement puissant et inexorablement destructeur. Subjectivité “Il aura fait beau aujourd’hui”, l’ami qui avait prononcé cette phrase au retour d’une promenade, continuait regarder devant lui sans chercher d’interlocuteur, sans attendre de réponse du groupe qui il aurait pu s’adresser. Apparemment, il ne faisait pas un simple constat, auquel cas il aurait pu dire :”Il a fait beau aujourd’hui”. En employant le futur antérieur, sa phrase était restée suspendue, comme s’il voulait faire durer le bonheur du moment présent alors qu’il voyait la fin de la journée approcher. Collection Collectionneur passionné mais sans moyens, j’ai décidé de thésauriser des objets précieux qui appartiennent tout le monde : des phrases contenant des verbes conjugués au futur antérieur extraites de livres, de journaux, ou entendues la radio, la télévision, dans la rue. La lecture de l’ensemble de ces citations permet d’apprécier différents moments où chacun avec son langage, essaie de résister ce que nous acceptons d’habitude comme des évidences : le “temps qui passe”, les ” faits qui sont l ” ou d’autres réalités qui semblent tout aussi incontournables. Je montre comment chacun tente d’inventer “une temporalité sensationnelle” comme le dit Germain Lacasse dans un texte intitulé “l’aura actuelle du futur antérieur”. Monument historique Pendant que d’autres artistes se mesurent au Grand Palais ou au Château de Versailles, je me confronte moi aussi un monument historique mais ce monument est encore vivant et indemne de toute restauration. Je veux moi aussi me frotter notre patrimoine, mais plutôt que de cantonner ma promenade sous les voûtes d’un bâtiment identique lui même, je préfère naviguer dans un monument toujours en construction, dans une œuvre jamais édifiante. Sémiométrie D’après Jean-François Steiner, c’est Charles E. Osgood qui a introduit le concept “d’espace de sens” Dans l’introduction de son livre sur la sémiométrie, il évoque “Ces intuitions qui nous laissaient attribuer une distance de sens entre les mots […] elles étaient l’expression d’une réalité qui, pour apparemment inaccessible un instrument d’observation objectif, n’en était pas moins stable…” La sémiométrie a été développée par les instituts de sondage dont le travail consiste enregistrer les valeurs numériques attribuées une liste de mots par les personnes sondées et les représenter suivant des axes prédéfinis, sous forme de “nuages de mots”. Art conceptuel Les oeuvres des artistes conceptuels se sont distinguées par leur forme écrite : définitions éditées sur feuilles A4 et posées sur le rebord d’une fenêtre ou propositions directement dessinées sur les murs du lieu d’exposition. “Toutes les choses que je connais mais auxquelles je ne pense pas en ce moment, 1969”. Ici, Robert Barry nous place physiquement devant quelque chose de difficilement représentable comme il avait commencé le faire dans ses photographies des gaz inertes. Par la suite, il a disposé des mots isolés sur le blanc des murs. Je me souviens de ce léger trouble éprouvé au moment où j’ai lu “anywhere” situé précisément sa place. Richard Monnier, Avril 2011