Prosopopées : quand les objets prennent vie

Prosopopées : quand les objets prennent vie

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De quoi s’agit-il ? La prosopopée est une figure de style qui consiste faire parler un animal, un objet inanimé, un mort, une chose personnifiée, une abstraction…Quand les objets prennent vie…Quand les morts revivent… Quand les concepts s’incarnent… L’inspirateur principal de cette proposition est Philip K. Dick, le grand visionnaire paranoïaque de la littérature contemporaine. En particulier, le sentiment dickien que « quelque chose cloche ». Que le monde n’est pas ce qu’il semble être, mais un décor, un trompe-l’oeil habilement conçu pour abuser le genre humain.

Prosopopées sera donc la grande thématique transversale de Némo, Biennale internationale des arts numériques – Paris / Île-de-France produite par Arcadi Île-de-France et son exposition principale présentée au CENTQUATRE-PARIS.Imaginez que nous rencontrions des affichages d’aéroport qui n’en font qu’ leur tête (Signal To Noise de LAb[au]), des entités extraterrestres qui s’installent parmi nous (Timée et Har de Guillaume Marmin), des tableaux qui prennent vie, des exo-squelettes venus de l’enfer qui nous invitent danser (Inferno de Bill Vorn et Louis-Philippe Demers), des oeuvres qui tentent de s’échapper de l’exposition (Nervous Tree de Krištof Kintera). Imaginez un «Appartement fou»… Imaginez le chaos comme un ordre qui n’aurait pas encore été déchiffré.

La poésie de Prosopopées consiste présenter une revue d’objets déconnectés, une poésie de la machine, avec sa part de mystère, d’organique, de simplisme puissamment rebelle, sa logique irrationnelle. Ce que nous proposons ici n’est rien d’autre que le retour de la magie, de l’aberration, dont on croyait s’être prémuni par les sciences et les nouvelles technologies. Mais ne dit-on pas justement, comme Arthur C. Clarke, que « toute technologie suffisamment avancée est indissociable de la magie ». Nous avons adoré mettre en valeur ce travestissement généralisé de l’objet technique en objet esthétique, ces épiphanies machiniques très éloignées de l’utilitarisme de l’histoire des objets techniques.

Certaines installations nous offrent l’écrin d’une réalité légèrement modifiée qui nous accompagne ou nous trouble avec bienveillance (Pergola de LAb[au], Élasticité dynamique d’Étienne Rey et From Here to Infinity d’Olivier Ratsi). Mais ne nous y trompons pas, leur hostilité est parfois manifeste et nous renvoie toutes les effrayantes révoltes de robots et de cyborgs de l’histoire de la science-fiction (Parsec de Joris Strijbos et Daan Johan, Nyloïd d’André et Michel Décosterd…).

Toutes ces oeuvres auront des comportements extra-terrestres. Elles seront même parfois, littéralement, extra-terrestres : la lecture des plis et replis métalliques d’une météorite va modifier en direct la composition musicale de Lara Morciano. Connaît-on déj une telle complicité artistique avec un objet venu de l’outre-espace ? (Octaédrite de Félicie d’Estienne d’Orves et Lara Morciano).

Les pièces de notre « Appartement fou», présentées dans les écuries du CENTQUATRE-PARIS, sont très emblématiques de ce dérèglement généralisé. Souvenons-nous que le mobilier et les objets du logis sont des symboles de convenances, d’ordre et d’une certaine hiérarchie sociale. Le nôtre en est dépourvu. Ces composantes, par la main de l’artiste technicien, ont des âmes artificielles. Un miroir qui refuse obstinément de « faire miroir » est la réminiscence d’un ordre ancien en train de mal tourner, alors que les hommes depuis deux siècles se sont ingéniés produire un environ-nement maîtrisé. Pourquoi une vague de néons (Wave Interference de Robin Moody) ? Comment un canapé (de vaudeville) peut-il se pâmer, sur un seul pied, comme une cocotte aurait pu le faire ? (Balance from Within de Jacob Tonski). Sommes-nous toujours dans le jeu de l’imitation et dans un système anthropo-morphique où l’homme a le beau rôle ? Le combat mort entre un frigidaire et un radiateur, qui ne semblent pas partager la même vision de l’écologie, sont-ils un point de non-retour de « l’objet au service de » ? (My Answer to Ecology #2 de Charbel-Joseph H. Boutros). L’évier crachant des flammes de Michel de Broin (Étant donnés) est-il une prédiction des incidents schisteux venir ? Et qu’en est-il de son vélo polluant ? Ou des médiateurs robots contre-performants et suppliants de Pascal Bauer (Mon bon plaisir) qui se prosternent devant les spectateurs ? Le public n’entrera pas dans l’appartement de Steve Jobs mais plutôt dans celui de Théophile Gautier, de Joris-Karl Huysmans ou de Philip K. Dick.

Tout le mérite revient aux artistes et leur ingénierie. Il n’est question ici que d’intelligence humaine et de talent pour donner l’impression subjective de la conscience des machines et des objets, dont ils sont, bien sûr, dépourvus.

Welcome to the techno freak show !

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