Les sens, pas l’essence

‘Quant Al Martin, son « entrée en matière » allait réellement consister entrer dans la matière de la peinture, l’huile et l’acrylique. Il le ferait afin d’explorer puis d’exprimer leurs qualités intrinsèques et la plasticité de leurs états, tour tour solides, liquides, rugueuses ou onctueuses, pelliculaires et élastiques, cassantes, friables, voire réduites en poussière. Façon de se demander ce que la peinture pouvait encore, quoi il ne tarderait pas répondre : « L’acrylique ça se colle, ça se ponce, ça se superpose, ça se découpe, les bords, ça retient, ça bourrellette, ça dépose ; l’huile, c’est long au séchage, ça se grave, ça se met en paquet ; le support ça se découpe, ça se déforme, etc.» De cet enfouissement au sein de la matière, il allait dégager un ensemble de gestes capables d’en exalter les propriétés : des gestes-germes très simples, quoique minutieusement exécutés, et dénués de toute virtuosité comme de toute complaisance pour leurs effets superficiels immédiats. Son sens plastique est né de ce savoir manuel.’ Renaud Ego