Le monde est en panne d’une pensée pour le monde

Le monde est en panne d’une pensée pour le monde

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Le monde est désenchanté. Il ne s’agit pas là d’adopter une position romantique et nostalgique d’un Âge d’or perdu, mais de lire ce monde à travers le prisme d’une histoire qui cumule les drames, les conflits, les guerres et qui semble aspirer notre civilisation dans le tourbillon du chaos. La violence du capitalisme économique est telle qu’on assiste à un repli des individus sur eux-mêmes qui ne sont ni portés par un projet de société, ni par un idéal ambitieux. « Le monde est en panne d’une pensée pour le monde » pour paraphrase le titre de l’exposition de la Maëlle Galerie. Les artistes, véritables vigies et oracles des temps modernes, sont là pour alerter et éveiller les consciences. « L’art n’est pas une réjouissance solitaire et l’artiste a un rôle à jouer dans la société » revendique Barthélémy Toguo. Il est là pour relayer « le grand cri des peuples qui souffrent » comme il l’illustre encore aujourd’hui dans cette exposition réunissant cinq artistes relatant des récits fragmentés où les valeurs humaines sont incompatibles avec une mondialisation qui broie allègrement sans critère de justice sociale. Et pourtant, cet ordre mondialisé tant souhaité par H. G. Wells dans son livre éponyme a de quoi séduire tel qu’exprimé par un George Bush à la tribune du Congrès le 11 septembre 1990, promettant « une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de justice et plus sûre dans la quête de la paix. » Mais voilà, ces mots ont pour seule ambition d’entretenir une illusion et de manipuler un peuple désorienté et dépolitisé, un jeu dans lequel les politiques brillent. Avec ironie et cynisme, Orlando Britto Jinorio condamne une telle mainmise dans sa série de photographies Being Horse, où il se met en scène en cheval, un mors dans la bouche. Une métaphore de la condition humaine. 

Mais à qui la faute ? Aux médias pris par la contrainte du spectaculaire et par le flux d’infos en continu ? Fred Forest, cet homme média comme il se définit lui-même, les a pris d’assaut dès les années 1970 comme nouveaux territoire de l’art contemporain. Il présentera cette vidéo historique diffusée le 22 janvier 1972 sur la 2e chaîne nationale Française dans l’émission TM 72 : «40 secondes de blanc à la télévision », à savoir une interruption d’antenne de 40 secondes dans le journal de midi. La force est dans l’action. C’est le parti pris d’Iris Della Roca également, qui a travaillé comme volontaire de 2010 à 2014 dans l’ONG Sao Martinho, pour s’approcher des enfants qui ont échoué dans la rue des favelas de Rio. Elle les photographie simplement, avec humanité et sans jugement plusieurs fois ou une seule fois si leur chemin a croisé la prison ou la mort. Elle indique leur nom, leur surnom, leur âge et le nombre d’années passées dans la rue. Redonner une identité aux oubliés des tragédies humaines de l’Histoire c’est également le projet d’Ernest Breleur avec ses « Portraits sans visage d’une femme Vietnamienne ». « Les portraits sans visage sont ceux des femmes et des hommes étranges, étranges parce qu’ils ne méritent jamais un regard humain. Les portraits sans visage sont aussi les portraits des oubliés avant une quelconque rencontre, comme si le cœur de l’homme était une machine à exclure, à broyer, évitant ainsi la moindre inscription de l’autre en soi. Les portraits sans visage, sont les “visages” des disparus du monde, ceux des exclus socialement. Ne sommes nous pas dans un monde sans visage? » La question est posée.

 

Stéphanie Pioda

 

 

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The world is disillusioned. This is not about adopting a romantic and nostalgic position of a lost Golden Age, but to interpret this world through the lens of a history combining dramas, conflicts, wars and that seems to absorb our civilisation in the vortex of the chaos. The fierceness of economic capitalism is such that we are facing a withdrawal of individuals into themselves, neither carried along by a social undertaking nor by an ambitious ideal. “The world no longer spares a thought for the world” to paraphrase the title of the exhibition at Maëlle Galerie. Artists, true watchmen and oracles of modern times, are there to arouse and promote awareness. “Art is not to be enjoyed alone and artists have a role to play in society,” claims Barthélémy Toguo. He is there to communicate “the great cry of people who are suffering” as illustrated again today in this exhibition bringing together five artists with fragmented accounts of where human values are incompatible with a globalisation blithely destroying, regardless of social justice. And yet, this global order much desired by H. G. Wells in his eponymous book, is alluring as expressed by George Bush at Congress on 11th September 1990, promising “a new era, less threatened by terror, stronger in the search for justice and safer in the quest for peace.” The sole purpose of these words is to maintain an illusion and to manipulate a disoriented and depoliticized people, a tactic in which politics excel. With irony and cynicism, Orlando Britto Jinorio condemns such a stranglehold in his series of photographs Being Horse, where he features as a horse with a bit in his mouth; a metaphor for the human condition. 

But whose fault is it? Is it the fault of the media forced by dramatic events and constant newsfeeds? Media man, as Fred Forest describes himself, took it on in the 1970s demonstrating new ground for contemporary art. He will present the historic video that was broadcast on 22nd January 1972 on the 2nd French national channel on the programme TM 72: “40 seconds of white on television,” namely a blank screen for 40 seconds during the midday news. Strength is in action. This is also the stance of Iris Della Roca, who worked as a volunteer from 2010 to 2014 at the NGO Sao Martinho to reach out to children who have run into trouble on the streets of the favelas in Rio. She photographs them simply, with humanity and without judgement, several times or once if they encountered prison or death. She notes their name, surname, age and the number of years they have spent on the street. To give an identity back to the forgotten souls involved in historical human tragedies is also Ernest Breleur’s intention with his “Faceless Portraits of a Vietnamese Woman.” “The faceless portraits are of strange women and men, strange because they never merit being looked at. The faceless portraits are also the portraits of those forgotten before any encounter, as if man’s heart was a machine for excluding and destroying, thus avoiding others registering with them at all. The faceless portraits are the “faces” of those who have disappeared from the world, those excluded socially. Are we in a faceless world?” The question remains.

 

Stéphanie Pioda

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