L’herbier des villes
- Du 15/06/2010 au 13/07/2010
- Localisation : Le Centquatre
Quarante objets de nos trottoirs, ramassés, collés, classifiés.
Autant de haïkus composés en leur honneur.
Six cent quatre-vingts syllabes qui dressent le portrait de la ville telle qu’elle vit et du monde tel qu’il se défait.
Hervé Le Tellier est écrivain et poète, membre de l’Oulipo.
Le texte de présentation de l’exposition : Les détritus industriels fournissent, dans leur accumulation, une photographie de la ville et de son temps. Ces objets sans valeur constituent une facette dérisoire de la vie. Leur existence est courte, et leur histoire commune, dans les deux acceptions du terme. Ils disent ce qu’ils disent et rien d’autre, comme la poésie dit ce qu’elle dit. Ces bribes du quotidien évoquent bien sûr Kurt Schwitters (1887-1948), artiste dadaïste allemand, maître du collage. L’art Merz, qu’il inventa, est né d’un détritus, fragment d’une affiche où figurait le mot Komerz, mais aussi du mot ausmerzen, détruire, supprimer. Les objets ici présentés ont supposément été jetés plutôt que perdus ( quelques exceptions près). J’ai préféré le banal l’exotisme, l’éclectisme l’exhaustivité, parfois cédé l’étonnement. Chacun est accompagné d’une étiquette d’« urbier », d’herbier urbain. Etiquette érudite obéissant aux règles de l’herbier, m’inspirant de celui de Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui, racheté par le Muséum en 1886, est conservé l’Herbier national. Pour chaque objet, un haïku a été composé. Cette forme japonaise minimale m’a paru propre rendre compte de ces déchets abandonnés et piétinés. Soumis au rythme syllabique 5-7-5, le haïku a vu sa forme brisée par la mise en page, proche de celle de l’affiche dada, foisonnement et folie typographique en moins. Il y eut, en 2006, un projet premier, baptisé « Neuf objets pas neufs. Il fut présenté la galerie Martine Aboucaya, lors de l’exposition « Oulipo ». J’ai poursuivi la collecte. Quarante, la quantité d’objets retenus pour cette publication, suffit mon ambition. Lorsque je m’ouvris de ce work in progress l’Oulipo, Paul Fournel me rappela que Georges Perec, peu avant sa disparition, recueillait un « herbier des villes ». Selon Domenico d’Oria, de l’Oplepo, Perec s’attachait surtout aux végétaux, et peu aux déchets, mais malgré tout, l’axiome « Georges y avait pensé » se vérifiait une fois de plus. Un Oulipien ne s’interdisant jamais de reprendre l’idée d’un autre pour la faire sienne, cela ne m’arrêta pas. Hervé Le Tellier