exposition "Espace/Architecture"

exposition “Espace/Architecture”

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Le ciel, l’air, l’espace translucide qui nous surplombe est, dans le paysage urbain, le dernier témoignage de la nature, de cette altérité qui nous est simplement donnée ; le reste, et l’architecture de façon démonstrative, est création humaine.
Dans la cité, nous sommes si bien imprégnés de cette humaine présence que nous ne la voyons plus. Ce n’est que lorsque nous levons les yeux, quand nous voyons les bâtiments se découper sur le ciel lointain, que nous en prenons la mesure. Que nous assistons au conflit, à la lutte pour l’occupation de l’espace qui a lieu au dessus de nos têtes.
Mais cette lutte, ou ce conflit, qui en est un à n’en point douter, cache une secrète concorde. Car, on le constate à chaque nouvelle construction qui s’élève, l’air, aussi impalpable que le souffle, se rétracte et contracte pour laisser place au nouveau venu, l’ancienne création se retire pour le céder à la nouvelle.
Accord et discorde, équilibre précaire, qui peut être lu aussi comme une métaphore du travail de l’artiste, qui doit se retirer en lui pour laisser être son œuvre.
Tel est le jeu impalpable que Faïna Kremerman transcrit sur ses toiles.
La création humaine y est épurée, réduite à des formes géométriques. Que ce soit l’architecture ou la végétation, ces arbres des villes que la main humaine façonne, contraint, qu’elle sculpte et soumet à sa loi, renversant l’ordre de nature.
Ces formes seraient presque symbolique, s’il n’y avait le traitement de la matière, l’usage de matériaux bruts, râpeux, du sable, des granulés de marbre, qui trahissent l’activité de l’homme, et auxquels répondent les surfaces lisses, transparentes, travaillées jusqu’à effacer toute trace afin de restituer l’altérité de la nature, sa légère vibration.
Un jeu qui parfois s’harmonise, parfois se heurte, se déchire, laissant des cicatrices.
Un affrontement tumultueux, dans lequel il arrive que l’air ne soit pas seulement repoussé mais littéralement comprimé, l’obligeant à sortir de la toile.
Un conflit enfin silencieux dont on n’aperçoit l’existence qu’en le contemplant, lorsqu’on lève les yeux et que l’on se trouve soudain engagé par le spectacle, comme devant les tableaux dont le glacis fait surgir notre reflet, nous convoquant à prendre part à ce qui se déploie.

Jérémie Ceausescu philosophe, écrivain

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