Dérives de nos rêves informulés
- Du 18/09/2024 au 04/01/2025
- Localisation : Fondation Bullukian
- Site de l'événement
- Organisateur : Fondation Bullukian
« Parfois j’imagine qu’il serait bon de se noyer à la surface d’un étang où nulle barque ne s’aventurerait. Ensuite, ressusciter dans le courant d’un vrai torrent où tes couleurs bouillonneraient. » René Char, Lettera Amorosa
Il paraît que la chose la plus importante pour maintenir le cap à bord d’une embarcation est de serrer vigoureusement sa voile contre le mât afin qu’elle oppose le moins de résistance possible au vent, nous protégeant ainsi de sa chute. Mais est-ce vraiment possible lorsque la tempête gronde ? Et si, au milieu de cette effervescence et frénésie, des orages et ouragans, nous décidions de chavirer ailleurs, pour glisser dans des mers plus profondes nous emportant vers des destinations inconnues. C’est à cette forme de quête que nous invite Raphaëlle Peria.
Qu’elle accompagne les mouvements saccadés de sa péniche, traverse les rieux des Hortillonnages à la découverte de jardins flottants ou bien qu’elle vogue au creux des valleuses, l’artiste ne se laisse pas seulement porter à la surface de ces eaux aux apparences trompeuses. Elle s’y fraye des passages, y prélève des sensations, recompose des histoires teintées de matières et de couleurs pour faire émerger des images et des reliefs, comme ces petites pierres lentement gravées par les eaux des ruisseaux.
En découle un recueil d’images anciennes, silencieuses comme des archives, jamais triées, trop longtemps dissimulées et laissées à vau-l’eau car ensevelies par la mémoire. Elles ressurgissent désormais comme des rescapées couvertes d’un nouveau voile, celui de la peinture, pour s’écouler d’une frêle barque et s’épancher en cascades vers d’autres rives, emportant avec elles leurs secrets. On dérive alors au cœur de ces fragments de photographies inachevés, comme des réminiscences de rêves informulés ou empêchés, qu’il faut pourtant accepter de (re)traverser.
Suivront-ils paisiblement leur parcours, bercés par le lit de la rivière ou toucheront- ils le fond comme de lointaines impressions qui stagnent dans notre mémoire ? Des souvenirs qui parfois (nous) débordent et que l’on redoute pourtant d’oublier, comme autant d’histoires impossibles qu’on ne vivra jamais.
Fanny Robin, Commissaire de l’exposition