Carnets
- Du 31/10/2014 au 30/11/2014
- Localisation : Galerie Les filles du calvaire
MATT WILSON
Carnets Exposition du 30 octobre au 30 novembre 2014 Vernissage le jeudi 30 octobre de 18h 21h A l’instar des carnets de voyages de Bruce Chatwin dont les écrits ont livré une vision incroyablement sensible et humaniste d’une Australie aujourd’hui jamais perdue, l’errance photographique de Matt Wilson, autre globe-trotter anglo-saxon, produit d’ineffables images des différents pays qu’il parcourt selon humeur et rencontres. Peu nombreuses, mais si particulières, ces photographies modestes, presque anodines par leur sujet, sont données voir, l’encontre des tendances de la photographie contemporaine, dans de si petites dimensions qu’elles obligent l’arrêt pour en scruter les détails. Elles semblent souvent quelque peu endommagées, comme corrodées, du fait des pellicules hors d’usage que l’artiste utilise. Le résultat visuel est opalescent : le grain très présent et la lumière décadente provoquent des zones d’ombres intimistes dans les scènes nocturnes ou offrent un rendu charbonneux et embrumé dans les paysages diurnes. Cette technique de prise de vue « aléatoire » intégrant l’accidentel du film la vision photographique fonde le singulier langage de Matt Wilson. Cela finit par troubler la vue et provoquer une bascule poétique. Au fur et mesure, cette trame visuelle structure l’ensemble en une écriture incidemment narrative, révélant des contrées fictionnelles la limite d’un rêve éveillé. Les scènes capturées par Matt Wilson se placent en dehors d’une époque précise. Parfois elles évoquent un paysage breughélien ou une description romantique telle serait celle issue d’une page de littérature anglaise du XIXème. Entre réel et onirisme, l’artiste sait aussi nous transporter, presque brutalement, dans une rue coupe-gorge la rencontre de travestis interlopes; nous mêler un combat de boxe d’enfants noirs, alors même que l’œil tente de rattraper la vision fugace d’une vielle automobile américaine d’une photographie précédente… Autant de situations quasiment irréelles qui ne sont pas sans rappeler l’atmosphère des films américains des années soixante. A l’évidence, Matt Wilson ne souhaite pas tant rendre compte de la réalité que d’un instant tel qu’il l’a rêvé ou ressenti, plutôt que vu ou traversé. Une sorte d’inframince photographique surgit ainsi d’un infime espace-temps. Il a photographié, d’abord un peu partout en Europe, commencer par son pays natal, l’Angleterre, mais aussi en France, pays avec lequel il a ses affinités, sans omettre les pays de l’Est où il retourne fréquemment entre deux séjours Cuba. Plus récemment, il a fini par désirer parcourir un vaste continent : les Etats-Unis où il habite depuis une dizaine d’années. Il aurait pu craindre de toucher ce territoire-l , tant les photographes américains s’en sont magnifiquement chargés, mais l encore, son étonnante vision délivre des instantanés de paysages et d’hommes brulés par un soleil brutal qui finit malgré tout, par se coucher sur cette rude contrée. La lumière est si blanche ou, au contraire, si ténue que la perception aquarelliste de ces scènes impressionnées en deç des capacités chromatiques du medium photographique est trompeuse. Nous pourrions qualifier ce travail de « métaphore picturale » et même de dérive pictorialiste si les personnages n’étaient pas si ancrés dans leur époque et dans leur quotidien. Car si Matt Wilson livre ce qu’il voit selon un prisme poétique, il rend compte de la société contemporaine travers des sujets souvent crus, parfois même indigents, traités toutefois sans tragique ni misérabilisme. Son regard est attentif et bienveillant, sous-tendu par une discrète mélancolie humaniste mais coloré d’une légèreté tragi-comique l’anglaise. Il peut s’inscrire dans la tradition « humaniste » car il capture souvent un « instant photographique » si cher Cartier-Bresson. Mais Wilson n’est pas reporter, il détourne le sens du réel au profit d’une charge émotionnelle et esthétique telle, qu’elle parvient émouvoir au plus profond. Christine Ollier