Anne-Marie et Roland Pallade - Lyon - présente "Le Mystère OBJECTAL" Bernard Deyfuss et Claude Pougny

Anne-Marie et Roland Pallade – Lyon – présente “Le Mystère OBJECTAL” Bernard Deyfuss et Claude Pougny

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Le Mystère Objectal

Osons une définition. Objectal (ou Groupe Objectal), appellation d’un collectif réunissant deux peintres français, Bernard Dreyfuss (né en 1941 Clermont-Ferrand) et Claude Pougny (né en 1945 Saint-Amand-Montrond) qui, depuis 1976 et surtout 1978, travaillent en commun sur un thème unique, le bol, dans toutes ses déclinaisons. Et puis ? La description spécifie pour mieux déconcerter, l se trouve sa principale vertu. Aller plus avant implique le regard rétrospectif sur une œuvre foisonnante qui se développe depuis près de quarante ans. Au centre du propos le bol dans ses variantes, historiques, géographiques, décoratives… A l’origine donc les « bologismes », infinies variations autour d’un objet de grande consommation, devenu courant dès le milieu du XIXème siècle, manufacturé, usuel, habituel. Le bol « écuelle en porcelaine sans anses » (M. Wailly Nouveau vocabulaire français, 1840), s’apparente désormais un objet d’art populaire, pesé, soupesé, pris en main, porté aux lèvres. Un réceptacle de nourritures terrestres et spirituelles, idéologiques, artistiques, psychologiques, historiques, symboliques… Un creuset inépuisable de sujets, de thèmes, qui favorise les analogies et les improvisations murement réfléchies, les coq- -l’âne visuels. Un alphabet populaire et savant. L’œuvre avoue sa cohérence, dans et pour le regard critique. Pour autant le mystère demeure. Car il y a bien un mystère objectal, un « motif dans le tapis » qui au-del de l’évidence obsessionnelle se devine pour mieux se dérober. La représentation « objectale » implique toutefois l’exégèse.

On sait que la collection de bols de Bernard Dreyfuss constitue la source et le flux de l’œuvre, mais l’essentiel se joue ailleurs. Sans doute dans cette volonté de s’attaquer frontalement la vieille querelle, l’éternel et fécond débat, entre le fond et la forme pour, très concrètement, lui tordre le cou une bonne fois pour toutes ! Le bol souverain s’apparente désormais un objet socialement transitionnel, un lieu d’analyse et de synthèse. Dépouillé et investi dans le même mouvement de sa valeur d’usage et de sa valeur d’échange, le bol évite, par sa présence réitérée et l’identité ainsi conférée, toute possibilité de ressassement et d’épuisement. La répétition devient la matrice d’un perpétuel renouvellement de la forme et du sens.

Tout ici se veut processus : la mise en commun des pratiques, leur mutualisation (la dimension économique existe aussi dans un groupe) la sélection, le choix, le discernement de l’objet. Objet-geste, objet-image, « objet-bol ». Qui peint quoi ? Question vaine. Une collaboration sans faille s’est s’établie, la facture, le style, le dessin, le dessein, le geste… tout est devenu collectif. « L’activité de chacun s’est clivée dans le discours pictural du groupe » (Préambule rédigé par le Groupe Objectal en 1976). Chaque bol, semblable et unique, se transforme en élément d’un puzzle systémique. Us et coutumes, folklores, habitus, histoire(s) de l’art, guerres et guérillas, institutions, inconscient collectif, culture médiatique, bandes dessinées, mythologies quotidiennes, rien n’échappe l’archéologie picturale, la paléontologie iconographique d’Objectal. Un groupe résolument figuratif et narratif ! Objectal, dans son essence et sa finalité se pense et se vit contradictoirement. Un groupe répétons-le, certes, mais un groupe bicéphale, une expérience collective en forme de duo singulier. L’époque (avant et après 68) était certes propice aux regroupements : Aillaud/Arroyo/Récalcati (1965), Equipo Cronica (1965), Buren, Mosset, Toroni, Parmentier (1966), Les Malassis (1970), Supports-Surfaces (1970), DDP (1973)… Collectifs géométries variables, plus souvent éphémères, quelquefois opposés voire antagonistes privilégiant le geste ou l’image, la confrontation avec le réel ou le silence.

En ce qui le concerne, Objectal poursuit résolument le chemin qu’il s’est tracé. Bernard Dreyfuss et Claude Pougny deviennent ainsi un exemple de singularité partagée. On peut se rencontrer l’Ecole Nationale des Beaux-arts de Paris, avoir des approches équivalentes sans pour autant réaliser des œuvres en commun. La récente exposition de la Villa Tamaris Objectal avant Objectal, s’est proposée de penser l’antécédent, cet « avant » ou l’on s’observe, se découvre, s’étudie, pour mieux se rejoindre. Objectal s’affirme dans une unité contradictoire ou « deux fusionnent en un » et « un se divise en deux ». La similitude et la spécificité pouvaient ainsi se discerner dans ces deux regards qui s’interpellaient et dialoguaient déj distance, anticipant la rencontre sur la toile d’un oxymore visuel et d’un naturalisme incisif, entre Ucello, Delacroix, Millet, Van Gogh, Gauguin, Walt Disney… le bol restant encore et toujours une figure tutélaire. Tout se joue ici non seulement au niveau de l’image mais aussi et surtout de la peinture qui n’existe ici que dans la déconstruction et la réflexivité. La démarche d’Objectal se révèle, in fine, semblable une dialectique janusique, ouverte sur l’infini champ des possibles de la peinture. Le « Mystère Objectal », Bernard Dreyfuss et Claude Pougny, tentent de le dissiper quatre mains, avec vigueur, ténacité et invention, en l’organisant sur la toile.

Robert Bonaccorsi, le 10 avril 2014

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