Marcher sur les sentiers, arpenter les chemins, les bois et les clairières, être saisi.e par leur lumière, puis s’arrêter, écouter, regarder. Voir. Sentir le cœur battre, le souffle irriguer le corps. Frémir. Vers où aller ? Continuer ou s’enfuir, prendre les chemins de traverse. Se faire traverser par la forêt. Rester aux aguets. Se faire forêt. Chevreuil silencieux et affûté. Araignée entre mousses, roches et lichens. Insectes fouisseurs entre feuilles et terre, parmi les sédiments. Racines profondes et vagabondes, comme infinies.
Se situer à la lisière, plonger dans l’éclat nébuleux de la brume, s’immiscer dans l’écart, la fissure, le foisonnement, l’obscur, ne rien chercher et trouver la lumière, partout, une route unifiée, sans début ni fin, dans la vivante matière.
Les images palpitent jusqu’à parfois se faire vision.

Charlotte Rodon, Hugues Séguda et Johan Bonnefoy cheminent ensemble, solidaires, avec leurs encre, gravure et peinture.
Chacun.e dans leur intimité avec le monde, se situant à hauteur de ciel ou de terre. L’infiniment vaste d’un nuage ou d’une route menant vers le lointain se donne à voir, comme le très petit d’un lichen atemporel architecturé, rythmé, mouvementé qui déborde la gravure et le temps, ou les strates et rhizomes puissants irriguant comme au-delà des marges du papier. Les différentes échelles s’entremêlent et coexistent, ouvrent le réel, se refusent à le saisir, à le contenir. Le paysage est ailleurs, les lichens nous échappent, le sol plonge et se dérobe, tout se fait vibration, lumière, mouvement. La vie apparaît. La vie nous déborde.

Et l’artiste n’est plus seul.e. Ces trois plasticien.nes s’ouvrent au vivant, mais aussi les un.es aux autres, dans cette même attention au réel, au vibrant. Iels aussi sont relié.es, uni.es, devenant nécessaires à l’un.e comme à l’autre. Iels collaborent ensemble, avec et pour la nature, se moquant bien de la figure de l’artiste tout puissant. L’ego s’efface. Iels font le pari du partage artistique et jouent la carte de la coexistence sensible.
Leurs trois présences trouvent leur place, organisent l’espace du regard, construisent patiemment leur interdépendance et se retirent pour laisser toute la place à la beauté, à la présence éclairante du vivant.

Stéphanie Dubertret

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